Paris Match ou Elle : quel magazine est le plus ancien ?
Le premier numéro d’ELLE, tiré à 700 000 exemplaires, est publié le 21 novembre 1945, 4 ans plus tôt que le premier numéro de Paris Match, paru lui en mars 1949. Le magazine hebdomadaire français ELLE, suivant de quelques mois l’adoption du droit de vote des femmes en France, est fondé par Hélène Gordon-Lazareff. Fille d’exilés russes, elle est l’épouse de Pierre Lazareff.
Elle fait ses débuts de journaliste à la rubrique Femme et Famille de Paris Soir, alors dirigé par Jean Prouvost, puis elle collabore à Marie -Claire, fondé par ce même Jean Prouvost.
Pendant la seconde guerre mondiale, les Lazareff, tous deux de confession juive, se réfugient à New York où ils découvrent le journalisme américain. Hélène Gordon-Lazareff travaille au Harper's Bazaar pour la rubrique mode et pour le supplément féminin du New York Times
À leur retour en France, en 1945, Pierre Lazareff fonde France Soir tandis qu'Hélène cofonde et dirige le magazine ELLE. Le mot d’ordre adopté par Hélène Gordon-lazareff est « le sérieux dans la frivolité, de l’ironie dans le grave » et se démarque alors des autres magazines français. Par ses origines et son exil américain, Hélène Gordon-Lazareff apporte une autre conception et un regard nouveau sur la presse. Elle compose d’abord son équipe de rédaction uniquement avec des femmes.
Balbutiant et focalisé sur les activités traditionnelles, le travail féminin est à l’époque à l’orée de son profond bouleversement. Pas de femme dans les couloirs des grands journaux d’information, encore moins à des postes de direction. ELLE se démarque alors de ses concurrents et ose offrir de la nouveauté à ces femmes que la guerre aura changées.
Une génération de femmes apprend à sortir de chez elle et à se dégager du système social dominé par les hommes. La ligne éditoriale de l’hebdomadaire n’est pourtant pas féministe mais désireuse de présenter la femme sur un pied d’égalité avec l’homme et, surtout de mettre en avant des femmes exerçant des métiers masculins ou ayant un comportement affranchi des contraintes sociales. ELLE promeut la femme écrivain dans l’espace public dès son premier numéro.
Ainsi, l’ensemble du roman L’Étoile Vesper de la romancière française Colette paraît comme un feuilleton dès le premier numéro jusqu’au numéro 33 du 9 janvier 1946 du magazine ELLE.
Il s’agit de souvenirs inédits arrachés à l’auteur et qui donnent à voir à la fois la femme écrivain indépendante et son œuvre. Grâce à sa forte personnalité, Hélène Gordon-Lazareff proposera des articles en accord avec les préoccupations féminines et affichera son souci d’une plus grande autonomie des femmes. L’envie de celle que l’on surnomme « la Tzarine » est de créer « un journal de mode à la fois moderne, sophistiqué, élaboré par et pour les femmes » ; ELLE fait la part belle à la haute couture, aux recettes de cuisine, aux astuces pratiques et aux patrons de couture.
Hélène Gordon -Lazareff a ouvert la voie à de nouvelles idées avec l’emploi d’un ton plus libre, présentant en effet une femme plus autonome, plus proche du modèle américain, et a aussi été précurseur en introduisant de nouvelles techniques au sein de la maquette.
Elle utilise la photographie couleur dans son magazine, les textes et les images sont aérés. Elle ira même jusqu’à acheter des images couleur à New York pour les mettre en couverture. La photographie en couleurs est alors d’une telle rareté que le magazine est signe de modernité et de puissance économique. Ce qui confère au magazine ELLE sa place dans le haut de gamme.
Elle garde, malgré son retour en France, des liens étroits avec les rédactrices en chef des magazines de mode les plus influents, ce qui lui permet de diffuser le titre au-delà des frontières, notamment en Amérique du nord. Elle donne la tendance et cite les couturiers à suivre. En 1966, Hélène Gordon-Lazareff reçoit « l’Oscar de la Mode » des mains du directeur des magasins Nieman Marcus, au Texas, pour avoir fait triompher le style ELLE aux États-Unis.